Le jugement
Monsieur le prévenu vous êtes accusé de meurtre prémédité, c'est un crime très grave pour lequel le législateur est impitoyable. Cependant, avant de rendre ma sentence, j'aimerais vous entendre. Qu'avez-vous à dire ?
« Monsieur le juge, j'ai commis un crime irréparable et j'en suis fort peiné. Je mérite un châtiment exemplaire, mais j'ai compris au cours du procès jusqu'à quel point vous étiez un juge honorable. Vous êtes bon, monsieur le juge. Vous êtes humain.
- Monsieur, n'essayez pas de m'influencer.
- Je dis la vérité, monsieur le juge. Vous avez présidé les débats avec une impartialité remarquable. Vous avez écouté tous les témoignages sans dormir. Jamais je n'ai rencontré un homme aussi juste que vous. D'ailleurs, je vous ai vu plaider quand vous étiez simple avocat et dans une cause mémorable, vous avez fait de tels effets de manche, relevant votre toge et pointant un doigt vers le ciel que vous avez réduit en cendres l'acte d'accusation. Dans toute l'histoire du Barreau, aucun avocat n'a eu un comportement aussi remarquable. Mais vous pleurez, monsieur le juge. Vous ai-je fait de la peine ?
- Non, mon fils, je pleure de joie. Jamais je n'ai entendu un discours si beau, si pertinent et si intelligent. Mais n'essayez pas de m'influencer.
- Je n'essaie pas de vous influencer mais je dois rapporter des faits, votre Seigneurie. D'ailleurs ma mère, ici présente, qui vous a connu durant votre jeunesse, m'a dit jusqu'à quel point vous sentiez bon, même vos fesses sentaient le printemps.
- N'exagérez pas mon fils.
- C'est ma mère qui me l'a dit. Et ma sœur qui a mis la main sur votre poitrine a confié n'avoir jamais connu un homme aussi poilu et aussi poli en même temps. Tout le monde vous aime monsieur le juge et il faudrait être aveugle pour ne pas voir que vous êtes un joli garçon, franc, loyal, dévoué.
- N'essayez pas de m'influencer mon fils.
- Si un concours de popularité établissait le plus remarquable des citoyens de cette ville, le meilleur cuisinier qui fait des œufs à la coque comme un chef avec beaucoup de sel et du poivre en quantité, c'est vous qui serait choisi. Je termine là mon petit laïus et je m'en remets à votre justice.
-- Mon fils, j'apprécie le fait que vous n'ayez pas voulu, en aucun cas m'influencer, mais je regarde votre dossier de meurtre en me rappelant que les sages juges de la Cour suprême ont libéré des voyous accusés de meurtre pour raison de délai. Dans leur jugement impeccable, ils ont considéré qu'un délai avait plus d'importance à leurs yeux qu'un crime qui avait été commis. Et dans votre cas, je dois considérer que vous avez passé une bonne journée supplémentaire à attendre qu'une accusation soit portée contre vous et en me basant sur le jugement de la Cour suprême, je ne peux faire autrement que de vous libérer. C'est une question de justice naturelle. De plus, vous me paraissez être un bon gars, qui a beaucoup de jugement et pour toutes ces raisons je vous déclare non coupable et vous libère de cette accusation de meurtre.
Accusé, levez-vous, vous êtes libre, vous aussi vous sentez bon !